Je continue sur ma lancée concernant la gestion de classe.
J'essaierai à l'avenir de réfléchir à des propositions concernant des cas concrets que vous m'avez soumis sur instagram
En attendant, voici quelques "conseils", ou quelques réflexions concernant le sujet. Il s'agit de ma façon de voir les choses, et il est fort possible qu'elle ne fasse pas l'unanimité ... Je suis souvent perçue comme "gentille" (trop ?), voire laxiste . Je donne très peu de punitions au sens strict, je n'ai pas eu recours à l'exclusion depuis 5 ou 6 ans, et j'ai très peu recours aux heures de colle. Pour autant, il m'arrive de crier, d'être blessante, et de manquer de patience ... Je suis loin d'être une sainte. Il m'est d'ailleurs arrivé d'accrocher un élève à un porte manteau ( je l'avais entendu m'insulter de "sale p..." ) ...
1- LA POSTURE
Mais dans l'ensemble, ma vision de la gestion des élèves est la même que celle qui me guide pour éduquer mes enfants : ce que l'on appelle l'éducation bienveillante, ou positive. Car je suis intimement persuadée que tout est question de posture.
Les élèves (et leurs parents ...) ne sont pas nos ennemis. Il ne s'agit pas de les "dresser", de les faire "obéir". Je vise plutôt la coopération, et pour cela il est important de créer un climat de travail serein, et une relation de confiance. Mais nos élèves sont déjà "âgés", et ils ont pour beaucoup l'habitude des punitions, des humiliations, des cris (voire pour certains, des coups à la maison ...)... Je trouve parfois difficile de fonctionner autrement sans être vu comme quelqu'un qui se laisse faire ... Mais je reste persuadée que c'est la voie à suivre pour que les apprentissages se fassent au mieux.
Il suffit parfois de changer de regard, sur un élève ou même sur une classe entière, pour débloquer les choses et (re)partir sur de bonnes bases.
Par ailleurs, le respect, que l'on attend à juste titre de nos élèves, doit d'abord se trouver de notre côté . Il s'agit de respecter les difficultés, les tâtonnements, les questions parfois déroutantes ... On usera de l'humour avec parcimonie, de l'ironie avec justesse, et on encouragera les prises de risques et les demandes qui peuvent paraître futiles.
2- LE TRAVAIL EN AMONT
Ce point peut paraître évident, mais un vrai travail de préparation des activités, du contenu du cours me semble primordial. Rien de pire que de se retrouver face à une classe sans savoir où l'on en est, sans travail à leur donner ... Les moments de flottement causés par ce genre de situation peuvent rapidement tourner à la cacophonie, voire pire. Évidemment, un peu d'improvisation est la bienvenue, mais il faut tout de même un fil conducteur, et savoir où l'on va, quels sont nos objectifs pour nos élèves.
Attention toutefois à ne pas faire du cours parfait une obsession : la maîtrise de la discipline enseignée est évidemment capitale, mais selon moi il faut d'abord savoir gérer une classe et des personnalité parfois hautes en couleurs, pour pouvoir faire passer le contenu du cours ...
3- NI COPAIN, NI "FLIC"
On en revient à la notion de posture. Il faut savoir être à l'écoute des élèves, se mettre à leur niveau pour appréhender leurs difficultés, les barrières qui les empêchent de progresser ou tout simplement d'être ouverts aux apprentissages ... Ne pas tomber dans le tout "répressif" qui fait des élèves des petits êtres qui devraient être dociles, toujours obéissants, capables de recracher mot pour mot des lignes entières, sans jamais rechigner.
Souvenons nous de notre parcours d'élève .... Ou tout simplement ... de certaines journées de formation ... Il m'est arrivé bien des fois d'assister à des stages aux intitulés appétissants, et une fois sur place, je me surprenais à rêvasser, me balancer sur ma chaise, bavarder, écrire sur la table et faire à peine le quart de ce qu'on me demandait. Je vous invite également à observer ce qui se passe aux différentes réunions ... Les enseignants ne forment pas le public le plus attentif qui soit ... Il est alors intéressant de réfléchir à ce qui amène à ces comportements qu'on n'accepte pas dans nos classes ...
A l'inverse, une attitude trop relâchée, "copain-copain" n'est pas non plus souhaitable à mon sens, pouvant vite "dégénérer" et nuire au bon fonctionnement du cours et à l'exigence en terme de contenu.
4- ÉVITER LES RÉACTIONS "A CHAUD"
Il arrive que certains élèves nous poussent à bout. D'ailleurs, un même comportement n'aura pas forcément le même impact sur l'enseignant suivant l'élève, la classe, ce qui s'est passé dans la journée, notre état de fatigue, voire même suivant le menu du midi ...
Dans ces moments, il est facile de "craquer" et de dire ou faire des choses qui n'auront aucune conséquence positive, ni pour l'élève concerné, ni pour la classe, ni pour nous-même. Dans la mesure du possible, il faut pouvoir montrer son désaccord sur le comportement constaté, et différer la prise de décision ... ("M ... je ne peux pas accepter que tu prennes systématiquement la parole sans lever la main : tu m'interromps et tu empêches tes camarades de travailler correctement. On en reparlera plus tard. ") Je suis adepte du "kidnapping" d'élève à la fin du cours, voire même, pendant le cours d'un collègue (avec son accord) quand c'est grave. Par exemple, si un geste violent a été donné à la sortie de mon cours et que je n'ai pas pu rattraper l'auteur des faits, je m'arrange pour que le collègue qui l'a au cours suivant me l'envoie pour pouvoir mettre les choses au clair avec lui.
Je dirais que dans la mesure du possible, il faut éviter les "clash" dont la classe devient spectatrice (plus ou moins "complice" du fauteur de troubles), sans rien laisser passer non plus, au risque de renvoyer la croyance que vous tolérez l'intolérable.
5- S’ÉCOUTER
Il est également important être à l'écoute de soi et ne pas se mettre inutilement une pression trop forte. Oui, il y aura des échecs. Des résultats catastrophiques. Des heures difficiles. Des bavardages qu'on ne parviendra pas à calmer, des réponses insolentes ... Peut-être même pire. Ça fait partie du "jeu". Dans ces moments difficiles, il est inutile de rejeter toute la faute sur les élèves ("ce sont vraiment des petits c..., il n'y a rien à en tirer...") , mais il faut également éviter de se fustiger inutilement ("Je suis un.e mauvais.e prof ... Je devrais changer de métier...")
Le tout étant de pouvoir revenir sur une situation décevante et de pouvoir y réfléchir posément, pour trouver ce qui était de notre ressort et que nous aurions pu éviter, ou faire mieux ... Sachant qu'on n'est pas maître de tout.
6- ÊTRE EN ACCORD AVEC SOI-MÊME
Il est capital d' appliquer ce que l'on dit, de tenir ses promesses, sans quoi on prend le risque de provoquer une défiance qui serait fortement préjudiciable à la relation que l'on a avec les élèves, et à l'ambiance de travail. C'est pour cette raison qu'il est important d' être au clair avec soi-même et de ne pas jouer un rôle. Je pense par exemple aux punitions promises et pas appliquées, aux systèmes de croix qui sont difficiles à gérer, aux promesses d'activités ludiques non respectées ...Il faut être garant de sa propre parole, et pour cela, être certain des choix que l'on fait.
7- DIALOGUER
Attention, je n'ai pas dit "négocier"!
Je trouve que les échanges que l'on peut avoir avec nos élèves, à propos de leur façon de fonctionner en classe ou à la maison, mais aussi à propos de notre façon de mener le cours, sont très enrichissants. Évidemment, il ne s'agit pas de se plier à tous leurs desiderata ("nous on veut voir des films et puis des goûters tous les vendredis, et aussi on ne veut plus de dictées" ) ... Mais on peut être à l'écoute de leurs besoins et trouver des solutions ou des nouvelles façons de faire qui seront plus à même de les mettre en situation de réussite. Je pense par exemple à la masse de travail donné (l'année dernière mes élèves de 6è croulaient sous les devoirs de maths et d'anglais le lundi soir, je m'arrangeais pour ne pas charger la mule ce jour là), ou au report et à la modalité d'une évaluation ...
Il s'agit également de reconnaître ses erreurs, et d'être capable de s'excuser auprès des élèves lorsqu'on estime s'être trompé (consigne pas claire, oubli de précision sur les points à apprendre pour un contrôle ...) Je me rappelle avoir donné un exposé à faire à des élèves de 6è, et il s'est avéré qu'au bout de trois semaines, des parents m'ont contactée car ils ne comprenaient pas bien ce qu'il fallait faire. Au début j'ai pesté, car c'était parfaitement clair pour moi, or je n'avais donné qu'une vague consigne à l'écrit et toutes les précisions à l'oral ... C'était trop compliqué pour des élèves de cet âge qui ont besoin d'étapes claires à suivre, et d'aide méthodologique ... Nous avons donc repris les choses ensemble à l'aide d'un document qui clarifiait les attentes de l'exercice.
8- SE METTRE A LEUR NIVEAU
Il faut penser à se mettre à la place de nos élèves, et à reconnaitre leurs difficultés, plus ou moins grandes. Sans parler des différents troubles, ou des particularités de certains élèves, dont il faut absolument tenir compte, même si nous n'avons que peu de moyens mis à notre disposition (élèves dys, autistes, HPI, TDHA ...) Nier ces particularités et refuser de faire un minimum pour les gérer me semble une erreur, voire même une faute professionnelle. On ne peut pas faire de miracle, mais un minimum est requis. Au moins celui du respect. Non, les élèves "dys" ne sont pas des "fainéants", les élèves HPI ne sont pas des "petits génies trop couvés", et on ne peut pas exiger que les élèves hyperactifs soient mis systématiquement sous traitement médicamenteux ...
Il nous incombe de faire en sorte de donner confiance, rassurer, accompagner les progrès, si minimes soient-ils, et valoriser. Tous les élèves. Peut-être même davantage ceux qui posent problème. On ne se rend pas compte du pouvoir d'une simple petite remarque qui vient saluer des efforts ...
9- ÊTRE CLAIR
C'est de plus en plus évident pour moi au fil des années. Je raccourcis, je synthétise, je fais la chasse au superflu dans mes cours. Aller à l'essentiel, faire le plus concis et clair possible. Pour le contenu des cours, mais également dans l'explicitation des consignes et des attendus. Je me sers de plus en plus du tableau (et de l'application "classroomscreen") alors que j'avais tendance à donner beaucoup d'informations à l'oral.
Il faut également veiller régulièrement à ce que les choses soient comprises, au risque de perdre une bonne partie des élèves et de reprendre les explications depuis le début....
10- ECHANGER
C'est un manque en ce qui me concerne. Je pense qu'il faudrait échanger davantage entre collègues, sur les contenus, mais également sur nos idées, nos façons de faire, nos perceptions de l'enseignement ... Autant que faire se peut, échangeons avec les collègues des classes que nous partageons, les collègues de la même discipline, de l'école primaire, de lycée... mais également les amis, la famille ... Ces échanges (qui peuvent parfois être conflictuels, ne le nions pas... Chacun a quelque chose à dire sur l'école) peuvent être particulièrement intéressants et apporter un nouvel éclairage à notre façon d'enseigner.
Voilà pour aujourd'hui ...
J'espère que ces quelques points vous permettront de nourrir votre réflexion sur vos pratiques !
Bonjour, Merci pour l'outil classroomscreen !! Je ne connaissais pas mais ça a l'air très chouette et je pense m'en servir :) Je ne travaille pas en îlots mais j'aime bien leur faire faire des travaux de groupe, sauf que j'ai du mal dans ce cas à maintenir un volume sonore agréable et il y a des petits outils sur l'application qui m'y aideront peut-être, je testerai. Je trouve que le dernier point de cette liste est particulièrement important : la gestion de classe est un travail qui est également collectif, dans le sens où il est essentiel de communiquer avec les équipes de ses classes notamment lorsqu'il y a un problème, d'avertir le PP ou de transmettre les infos quand…